Le 10 février 2023, l’humoriste Pierre Palmade, qui conduisait sous l’empire de stupéfiants, a percuté un autre véhicule sur une route départementale de Seine-et-Marne. L’accident a fait trois blessés graves dont une femme qui a perdu son enfant à naître dans la collision. En mai 2023, un chauffard qui avait consommé de l’alcool et de la drogue, a entrainé la mort de trois policiers à Villeneuve-d’Ascq.
Ces drames ont immanquablement relancé un débat : peut-on encore parler d’accident ou d’homicide involontaire si le conducteur a consommé de la drogue ou de l’alcool avant de prendre le volant ?
Ainsi, le gouvernement a apporté un début de réponse en annonçant, le lundi 17 juillet 2023, la création de l’infraction d’« homicide routier » lorsque, dans le cadre d’un accident de circulation, le conducteur qui a conduit sous l’empire de l’alcool ou de stupéfiants a commis des violences ayant conduit au décès.
En droit pénal français, il existe classiquement deux types d’homicides : l’homicide volontaire et l’homicide involontaire, prévus et réprimés respectivement par les articles 221-1 et 221-6 du Code pénal.
Le premier est défini comme le fait donner volontairement la mort à autrui, c’est à dire avec intention de tuer la personne. Quant au second, c’est le fait d’entraîner la mort d’autrui sans intention de la donner.
Cependant, depuis 2003, il existe une infraction spécifique d’« homicide involontaire commis par un conducteur d’un véhicule terrestre à moteur ». Ainsi, elle se définit comme le fait pour un conducteur d’un véhicule terrestre à moteur de commettre un accident ayant entraîné la mort d’autrui, par maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence ou le manquement à une obligation législative ou réglementaire de prudence ou de sécurité ».
Cette infraction est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. (Article 221-6-1 alinéa 1er du Code pénal, loi n° 2003-495 du 12 juin 2003).
Lorsque le conducteur se trouvait en état d’ivresse manifeste ou était sous l’empire d’un état alcoolique ou lorsqu’il résulte d’une analyse sanguine ou salivaire que le conducteur avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants, les peines sont portées à 7 ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende.
De surcroît, lorsque le conducteur a bu de l’alcool ET consommé de la drogue, ces peines sont portées à 10 ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende, outre des peines complémentaires classiques comme la suspension ou l’annulation du permis de conduire.
Pourtant, 20 années après, toute cette législation semble être insuffisante aux yeux de certains, notamment pour les associations des victimes des accidents de la route.
C’est la raison pour laquelle une nouvelle proposition de loi a été faite par le gouvernement de créer l’homicide routier le 15 juin 2023.
Ainsi, cette nouvelle infraction appelée « homicide routier » serait prévue et définie par l’article 221-6-1-1 ainsi : « le fait, pour le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, de causer dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121‑3, par une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, la mort d’autrui sans intention de la donner, constitue un homicide routier puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende ».
Selon le Gouvernement, cette proposition de loi remplit deux objectifs :
- Responsabiliser plus lourdement les auteurs : le Code pénal ne reconnaitrait toujours pas les atteintes à la vie résultant d’une consommation volontaire d’alcool ou de drogues du conducteur ayant causé un accident mortel.
- Satisfaire à une demande de longue date des associations de victimes d’accidents de la route, lesquelles sont en attente de nouvelles mesures depuis longtemps.
En réalité, cette réforme, en créant l’ « homicide routier » ne change pas grand-chose au dispositif légal actuel.
Concrètement, le nouvel article 221-6-1-1 du Code pénal viendrait sanctionner le conducteur, qui se trouvait en état d’ivresse manifeste ou sous l’empire d’un état alcoolique ou qui avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants, et qui a causé des violences ayant entraîné la mort d’une personne sans intention de la donner, d’une peine de 7 ans d’emprisonnement et d’une amende de 100 000 euros.
C’est déjà le cas, comme le prévoit l’actuel article 221-6-1, alinéa 2 du Code pénal.
En cas de cumul de 2 circonstances aggravantes (alcool et stupéfiant par exemple), les peines encourues seraient également identiques aux peines actuelles, soit 10 ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende.
C’est, là, encore, déjà le cas actuellement, comme le prévoit l’alinéa 3 de l’article 221-6-1 du Code pénal.
Cette proposition ne semble donc pas satisfaisante pour les associations de victimes et leurs avocats qui n’ont pas caché une certaine déception puisqu’ils souhaitent depuis longtemps des sanctions plus sévères et des mesures d’accompagnement.
En somme, on peut noter, principalement, qu’il s’agit tout simplement de renommer, de changer sémantiquement le délit existant d’« homicide involontaire commis par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur », prévu à l’article 221-6-1 du Code pénal, en « homicide routier ».
Autrement dit, la forme change mais le fond reste…
Séga DIOP
Stagiaire- Diplômé en Licence de droit de l’Université de BORDEAUX et en Licence de droit de l’Université de Dakar, SENEGAL