La visio-conférence est un moyen de communication à distance qui permet, par l’intermédiaire d’un système d’image et de son, de transmettre à son interlocuteur des informations sans être dans la même pièce.

Lorsque ce moyen de télécommunication est utilisé, l’avocat décide d’être soit aux côtés de son client, soit dans le même pièce que les juges.

Initialement, la visio-conférence a été mise en place pour les audiences avec les territoires d’outre-mer. Depuis les années 2000, elle se développe à tous les stades de la procédure pénale.

Ce dispositif, qui permet de ne pas mobiliser d’escorte ni de véhicule pour amener les justiciables à ces juges, réduit ainsi les frais pour le service public de la justice. Il présente néanmoins de nombreux inconvénients en terme de respect des droits de la défense.

Avant la crise sanitaire, le recours à la visio-conférence était déjà prévu pour un certain nombre d’auditions et d’audiences 

– Au stade de l’enquête ou de l’instruction

  • pendant la garde à vue : pour les prolongations, à l’initiative du Procureur de la République.
  • au stade de la détention provisoire : son utilisation est autorisée lors des audiences devant le juge des libertés et de la détention et devant la Chambre de l’instruction.
  • dans le cadre d’une information, le juge d’instruction peur recourir à la visio-conférence pour l’audition et l’interrogatoire d’une personne détenue.

Au stade du jugement

  • devant les juridictions de jugement pour l’audition des témoins, des parties civiles et des experts,
  • pour la comparution des prévenus devant le tribunal correctionnel et devant la Cour d’appel, à condition que le procureur et l’ensemble des parties y aient consenti. (cf. art. 706-71 CPP ).

Au stade de l’application des peines

Lors des débats concernant les mesures d’aménagement de peine devant le juge d’application des peines ou devant le tribunal de l’application des peines (cf. art.712-6 et 712-7 CPP).

Les professionnels du droit et notamment les avocats dénonçaient régulièrement les inconvénients du dispositif.

Lors d’une audience en visioconférence, l’avocat ne peut s’entretenir de manière confidentielle avec son client (l’entretien a lieu dans la salle d’audience vide mais le dispositif sonore est activé…), la qualité de l’écoute du juge peut être faussée par la distance créée à travers l’écran entre lui et le justiciable, le justiciable connaît très souvent des difficultés pour savoir quand parler ou se taire, des problèmes techniques de connexion retardent ou limitent le temps d’audience…

Le droit de comparaître physiquement devant un magistrat participe au droit à un procès équitable et à l’exercice des droits de la défense.

– La loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a permis au gouvernement de prendre des mesures d’urgence par voie d’ordonnance.

C’est ainsi que l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 a largement autorisé le recours à la visioconférence par les juridictions, le service public de la justice ayant dû s’organiser pour continuer à fonctionner dans le contexte de confinement.

Selon l’article 5 de l’ordonnance, « Par dérogation à l’article 706-71 du code de procédure pénale, il peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle devant l’ensemble des juridictions pénales, autres que les juridictions criminelles, sans qu’il soit nécessaire de recueillir l’accord des parties ». (cf. ord. n° 2020-303, 25 Mars 2020)

L’ordonnance a donc permis de recourir à la visioconférence lors des audiences devant les juridictions d’instruction ou de jugement: le tribunal correctionnel et le tribunal de police.

Puis, dans le cadre de la crise sanitaire toujours en cours en novembre 2020, la loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire du 14 novembre 2020 a mis en place des habilitations pour autoriser à nouveau le gouvernement à prendre par ordonnances des mesures pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

– C’est ainsi que trois ordonnances ont ensuite été promulguées pour adapter les règles de procédure applicables aux juridictions en matière civile, administrative et pénale.

A cette occasion, le recours à la visioconférence s’est généralisée et il est devenu possible sans l’accord du justiciable et de l’avocat.

L’article 2 de l’ordonnance du 18 Novembre 2020 énonce qu’« il peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle devant l’ensemble des juridictions pénales et pour les présentations devant le Procureur de la République ou devant le Procureur général, sans qu’il soit nécessaire de recueillir l’accord des parties ». (cf. ord. n° 2020-1401, 18 nov. 2020)

L’extension du disposotif concerne donc les présentations devant le Procureur de la République (déferrements) et les audiences devant la Cour d’Assises, à compter des plaidoiries et réquisitions

Cette ordonnance a fait l’objet d’un référé-liberté, formé par plusieurs associations, ainsi que des ordres d’avocats et un syndicat de magistrats.

Dans sa décision du 27 novembre 2020, le Juge des référés du Conseil d’Etat a considéré que pour les audiences devant la Cour d’Assises et les Cours criminelles, le dispositif porte une atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense et au droit à un procès équitable et en conséquence, a suspendu la possibilité d’utiliser la visio-conférence dans cette hypothèse.

Pour le contentieux de la détention provisoire, le juge a validé le recours au dispositif en précisant que le Président de la chambre de l’instruction devait toutefois s’assurer que la personne détenue avait bien la possibilité d’être présente à l’audience.

Le 15 janvier dernier, le Conseil constitutionnel, saisi sur une Question Prioritaire de constitutionnalité du 16.10.2020),  a censuré l’Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 concernant le recours à la visio-conférence sans le consentement de la personne, en considérant que « au vu de l’importance de la garantie qui peut s’attacher à la présentation physique de l’intéressé devant la juridiction pénale », les dispositions « portent une atteinte aux droits de la défense que ne pouvait justifier le contexte sanitaire particulier résultant de l’épidémie de Covid-19 ».

Cette décision qui n’a pas de portée pratique (puisque l’ordonnance du 25 mars 2020 ne s’appliquait que lors du premier confinement et n’est plus en vigueur) a cependant une portée symbolique importante.

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Il ne fait aucun doute que le recours à la visio-conférence a pour conséquence de porter des atteintes directes et graves aux droits des justiciables.

Face à des juridictions déjà très engorgées (notamment depuis janvier 2020 en raison de la grève nationale des avocats), l’objectif des ordonnances est d’éviter de déplacer les justiciables, les avocats et les magistrats, dans le but de lutter efficacement contre la propagation du virus et de maintenir un flux d’audiences dans un contexte sanitaire difficile et contraignant.

Cet objectif ne saurait, pour autant, prévaloir sur les droits des justiciables.

Manon LE TOLGUENEC – Stagiaire – Etudiante IEJ Rennes

P/O Audrey DELHOMME