Le téléphone grave danger (TGD) est un téléphone portable disposant d’une touche « raccourci », qui permet aux utilisatrices de ce dispositif d’entrer en contact directement avec un service de téléassistance, accessible à tout moment, qui alerte les services de police pour une intervention immédiate.

Il est doté d’un système de géolocalisation et de captation des voix, qui permet donc à la victime, si elle y consent, d’être localisée et entendue sans porter le téléphone à son oreille. L’appel est personnalisé en ce que le service de téléassistance dispose en amont des informations utiles concernant la victime.

Au 1er février 2022, 3 288 TGD ont été déployés sur le territoire français, et 2248 ont été attribués à des femmes en très grand danger.

Les origines de la mise en place du téléphone grave danger en France

En 2009, ce dispositif est né  en réaction à la publication de chiffres alarmants en Seine Saint-Denis: plus de 20% des homicides dans ce département sont des morts violentes survenues dans un contexte conjugal.

Face à ce terrible constat, la priorité de rechercher un moyen de protéger et sécuriser ces personnes en grave danger s’est imposée.

Le TGD a été alors mis en place à titre expérimental en Seine-Saint-Denis en 2009, puis dans le Bas-Rhin en 2010.

Il est inspiré du système mis en place en Espagne depuis 2003 : un téléphone doté d’un système de géolocalisation, mis à disposition de la Justice pour permettre aux femmes en grave danger d’alerter les services de police et d’être localisées directement.

Entre 2009 et 2014, le TGD est élargi à une dizaine de départements , pour un bilan positif : 158 femmes ont pu en bénéficier.

En 2013, Christiane Taubira, alors Ministre de la Justice et Najat Vallaud-Belkacem, alors Ministre chargée des Droits des femmes, décident du déploiement à l’échelle nationale du TGD (loi n°2014-873 du 4 août 2014).

Les conditions d’attribution du téléphone grave danger

L’article 41-3-1 du CPP prévoit les victimes concernées par ce dispositif sont :

  • Les victimes de violences commises par leur conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS ;
  • Les victimes de violences commises par leur ancien conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS ;
  • Les victimes de viol menacées par un grave danger.

La notion de « grave danger »  s’apprécie largement, selon, notamment, la durée et la répétition des violences dénoncées, le risque de réitération, le profil psychiatrique ou psychologique de l’auteur, les antécédents pénaux de celui-ci ou encore l’isolement de la victime.

Le dispositif peut être utilisé lorsque la victime fait face à un danger avéré et imminent lorsque l’auteur est en fuite, n’a pas été interpellé ou qu’une interdiction d’entrer en contact n’a pas encore été prononcée.

Pour la mise en place de ce dispositif, le consentement de la victime est nécessaire et attribué uniquement dans les cas où la victime ne cohabite pas ou plus avec l’auteur des violences.

Depuis 2019, il n’est plus nécessaire qu’une décision imposant une interdiction d’entrer en contact (ordonnance de protection ou contrôle judiciaire), ait été prononcée contre l’auteur des violences (cf.loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille).

Un bilan contrasté

Le TGD est un dispositif de plus en plus utilisé pour lutter contre les violences conjugales.

Lorsqu’il est attribué, le TGD a prouvé son efficacité : il permet aux victimes de se sentir plus en sécurité, protégées, mais aussi écoutées. Certaines témoignent notamment de la prise au sérieux immédiate de leurs appels et de l’intervention rapide des forces de l’ordre.

Il ne fait aucun doute que grâce à ce système des drames ont été évités.

A Bordeaux, le drame survenu en mai 2021 à Mérignac ayant entraîné la mort de Chahinez Daoud , brûlée vive par son ex-mari en pleine rue, « a conduit les pouvoirs publics à doter les parquets de moyens supplémentaires » selon les propos de Frédérique Porterie, Procureur de la République.

Au 1er mai 2022, 117 TGD avaient été déployés sur le ressort de Bordeaux contre 27 TGD au 1er mai 2021, soit quatre fois plus en l’espace d’un an.

Le pari lancé en début d’année 2021 par le Président de la République de déployer plus de 3000 TGD sur le territoire avant fin 2021 a été relevé.

Toutefois, le nombre de TGD déployés reste encore aujourd’hui faible en comparaison avec le nombre de victimes de violences conjugales : En effet,  si l’on considère qu’il y a environ 213 000 femmes victimes de violences conjugales par an en France (selon les statistiques du ministère de l’Intérieur en 2020), l’attribution d’un TGD ne concernerait aujourd’hui que 1 à 2% de ces victimes…

La France est donc encore à la traîne et loin derrière l’Espagne,  considérée comme un pays pionnier en matière de protection des victimes de violences conjugales, où 10 000 TGD sont déjà déployés sur le territoire.

 

Andréa SOULIGNAC

Stagiaire

Etudiante IEJ- Master II Droit Pénal européen et International