Il existe désormais plusieurs moyens protéger les victimes de violences conjugales : l’ordonnance de protection depuis la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 et désormais le bracelet anti-rapprochement mis en place par la loi n° 2019-1480du 28 Décembre 2019 , également  appelé « dispositif électronique mobile anti-rapprochement ».

Le décret du 23 septembre 2020, entré en vigueur le 25 septembre 2020, précise les modalités d’application de ce dispositif.

Ce dispositif permet de géolocaliser en temps réel la personne auteur des violences et la personne protégée.

Le bracelet est posé à la cheville ou au poignet du conjoint violent par le service pénitentiaire. La victime se voit remettre un boitier qu’elle doit conserver sur elle en permanence.

Lorsque l’auteur des violences dépasse le périmètre fixé par le juge, une alerte se déclenche.

A la différence du téléphone grand danger, le fonctionnement du bracelet anti-rapprochement ne repose pas sur une intervention de la victime.

I-La décision de mise en place du dispositif

Ce dispositif peut être mis en place par le juge pénal ou par le juge civil.

-Le dispositif peut être mis en place par le juge pénal

La décision d’avoir recours au bracelet peut être prise avant et après le jugement.

Avant le jugement, le bracelet anti-rapprochement peut être mis en place dans le cadre d’une ordonnance de placement sous contrôle judiciaire prise soit par le juge d’instruction, soit par le juge des libertés et de la détention.

Selon l’article 138-3 du Code de procédure pénale, le dispositif peut être décidé en cas d’infraction punie d’au moins trois ans d’emprisonnement et commis contre son conjoint ou ancien conjoint.

Lorsque le juge ordonne un placement sous contrôle judiciaire, il peut interdire à l’auteur des violences de se rendre dans certains lieux (art. 138, 3° du Code de procédure pénale) ou d’entrer en relation avec certaines personnes (art. 138, 9° CPP).

Si ces deux mesures s’avèrent insuffisantes pour prévenir le renouvellement de l’infraction, le juge peut décider de mettre également en oeuvre le dispositif du bracelet anti-rapprochement.

Selon l’article R. 24-20 du Code de procédure pénale, l’auteur des violences est informé que son consentement est nécessaire. Cependant, son refus constitue une violation des obligations qui lui incombent au titre du contrôle judiciaire et peut entraîner la révocation de ce dernier, justifiant son placement en détention provisoire.

Le fait de se rapprocher volontairement de la victime en méconnaissance de la distance d’alerte constitue une violation de l’interdiction qui lui est faite et peut donner lieu à la révocation de son contrôle judiciaire et justifier son placement en détention provisoire.

Lors de l’audience de jugement ou après, la juridiction de jugement ou le juge d’application des peines peut imposer au condamné de respecter l’interdiction de se rapprocher d’une victime de violences conjugales par la mise en place du bracelet anti-rapprochement (art. 132-45, 18 bis du Code pénal).

2-Le dispositif peut être mis en place par le juge civil

Lorsque le juge aux affaires familiales est saisi dans le cadre d’une ordonnance de protection à l’encontre d’une personne auteur de violences. A cette occasion, il peut désormais imposer le port du bracelet anti-rapprochement (art. 515-11-1 du Code civil).

La mise en place du bracelet peut être à l’initiative du juge aux affaires familiales mais également demandée par la victime de violences.

Les parties doivent donner leur consentement libre et éclairé (art. 1136-16 du code de procédure civile).

e décret du 23 Septembre 2020 prévoit que les parties reçoivent plusieurs informations avant de consentir.

Selon l’article 1136-19 du Code de procédure civile:

« Le refus par la partie défenderesse de la pose du bracelet anti-rapprochement, au port duquel elle a préalablement consenti, constitue une violation des obligations imposées dans l’ordonnance de protection, pouvant donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement de l’article 227-4-2 du code pénal. »

« Le fait pour cette partie de se rapprocher volontairement de la victime en méconnaissance de la distance d’alerte constitue une violation des obligations imposées dans l’ordonnance de protection, pouvant donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement de l’article 227-4-2 du code pénal. »

« Le procureur de la République est informé de chaque méconnaissance de la distance d’alerte et peut exercer, s’il y a lieu, des poursuites pénales sur le fondement de l’article 227-4-2 du code pénal. »

Selon l’article 227-4-2 du Code pénal, la personne qui ne respecte par l’ordonnance prise par le juge aux affaires familiales en cas de violences encourt deux d’emprisonnement et 15 000€ d’amende.

II-Le périmètre d’alerte

Selon l’article R. 24-18 du Code de procédure pénale et l’article 1136-17 du Code de procédure civile, la distance d’alerte séparant les deux parties ne peut être inférieure à un kilomètre, ni supérieure à dix kilomètres. La distance de pré-alerte est égale au double de la distance d’alerte.

Il existe donc deux périmètres de sécurité mis en place pour la victime:

  • Le périmètre de pré-alerte

Le périmètre de pré-alerte est fixé entre 2 et 20 kilomètres par le juge.

Lorsque le périmètre de pré-alerte établi par le juge n’est pas respecté, une alerte se déclenche auprès du service de téléassistance (compagnie d’assurance Allianz). Ce service contacte l’auteur des violences  et lui demande de ne pas rester dans la zone.

En cas de refus ou d’absence de réponse, les forces de l’ordre sont alertées par la téléassistance et se rapproche de la victime.

Le service de téléassistance fonctionne 24h/24, 7j/7.

 

  • Le périmètre d’alerte: Il est fixé entre 1 et 10 kilomètres.

Le périmètre exact est laissé à l’appréciation du juge. Pour déterminer la distance d’alerte, le juge concilie la nécessité de protection de la personne menacée avec le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée, familiale et professionnelle de la personne porteuse du bracelet.

Le juge peut préciser dans sa décision que le porteur du bracelet est autorisé à être présent à des heures et dans des lieux qu’il détermine, y compris si ces lieux venaient à être intégrés du fait des déplacements de la personne ou de la victime dans une zone d’alerte ou de pré-alerte.

III-La durée du dispositif

Le juge fixe la durée du port du bracelet, dans la limite de six mois, en fonction des circonstances de l’espèce et du besoin de protection de la partie demanderesse (art. 1136-18 du Code de procédure civile et art. 24-19 du Code de procédure pénale).

Le dispositif peut être renouvelé plusieurs fois pour la même durée sous certaines conditions.

La durée totale du dispositif ne peut pas dépasser 2 ans (art. 24-19 CPP).

 

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Le dispositif a d’abord été déployé dans les juridictions d’Angoulême, Bobigny, Douai, Pontoise et Aix-en-Provence.

A ce jour, l’administration pénitentiaire disposerait de 1000 bracelets anti-rapprochements et sept bracelets ont été installés.

Ce chiffre peut sembler faible au regard de l’augmentation des signalements pendant le confinement et des 173 décès de femmes sous les coups de leur conjoint ou ancien conjoint en 2019.

Au vu de ces chiffres alarmants, on peut regretter que ce dispositif n’ait pas été mis en place bien plus rapidement. En effet, le décret d’application n’a été pris que le 23 Septembre 2020, soit 9 mois après l’entrée en vigueur de la loi de 2019 mettant en place ce bracelet.

Alors même qu’il y a urgence à agir, le dispositif n’a été généralisé à l’ensemble du territoire que depuis le 31 décembre 2020.

Manon LE TOLGUENEC-Stagiaire

Etudiante IEJ Rennes